18 juillet 2024
Prédire un retard de croissance intra-utérin

Prédire la survenue d’un retard de croissance intra-utérin grâce à l’intelligence artificielle

La Clinique Bouchard à Marseille et la Fondation Lumière, première plateforme de recherche clinique en imagerie dédiée à l’examen et aux soins du fœtus, lancent une étude inédite consacrée au retard de croissance intra-utérin, une pathologie très répandue mais qui reste pourtant mal connue. L’objectif à long terme ? Diagnostiquer ce retard de croissance intra-utérin le plus tôt possible, grâce à la radiomique, un mélange très prometteur d’imagerie et de big data.

Les fœtus en retard de croissance intra-utérin ont des mensurations (périmètre crânien, périmètre abdominal, estimation de poids…) inférieures à celles correspondantes à leur âge gestationnel. « Il s’agit d’une des pathologies les plus fréquentes de la grossesse, bien avant la prématurité, précise Joana de Jesus Neves, jeune doctorante en charge de cette étude. Cela concerne entre 20 000 et 80 000 nouveau-nés chaque année en France. »

Que cela soit en raison d’une malnutrition de la mère (surtout dans les pays pauvres) ou d’une défaillance vasculaire du placenta (cause la plus fréquente dans les pays riches), le fœtus ne reçoit pas suffisamment de nutriments pour assurer une croissance normale. Et les conséquences peuvent être très graves : « Surmortalité, retards psychomoteurs, difficultés respiratoires, maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète ou l’hypertension… La liste est longue hélas » alerte le Dr Guillaume Gorincour, radiologue spécialisé en imagerie pédiatrique et fœtale à la Clinique Bouchard, qui encadre ce travail de thèse.

Analyser une centaine de placentas

A ce jour, ces retards de croissance intra-utérins, caractérisés par une estimation du poids fœtal sous le 5eme percentile (soit 95% des bébés au même âge ont un poids supérieur), sont majoritairement diagnostiqués à l’échographie du 3e trimestre. « Les fœtus sont alors placés sous surveillance jusqu’à la naissance mais ce dépistage est bien trop tardif », explique le Dr Gorincour. « Quand le diagnostic est posé, il n’y a malheureusement plus grand-chose à faire ». 

Mais cette équipe de recherche clinique espère avoir trouvé une nouvelle piste : « Nous pensons qu’il y a des informations à aller chercher dans le placenta pendant la grossesse, grâce à la radiomique », annonce le médecin. La radiomique est une technique qui permet d’extraire à partir des images médicales échographiques et/ou IRM (numériques par définition) un très grand nombre d’informations qualitatives et quantitatives non visibles par l’œil humain et qui rendent notamment compte de la texture du tissu étudié. Ces caractéristiques peuvent ensuite être analysées et alimenter des algorithmes de décision.

Concrètement, et dans un premier temps, l’équipe va alors étudier après la naissance s’il est possible de différencier la texture des placentas sains de celle des placentas malades. « Nous observons déjà des différences en histologie (analyse des tissus au microscope), explique Joana de Jesus Neves. Mais ce que nous souhaitons, c’est que la radiomique nous permette de trouver un lien entre les images d’IRM, d’échographie et d’histologie pour pouvoir détecter ces différences directement en imagerie. » Cette corrélation n’existe pas encore dans la littérature médicale.

Ce sera une première étape. « Si nous arrivons à démontrer qu’il existe un lien, notre objectif sera ensuite d’analyser les placentas en imagerie de plus en plus tôt pendant la grossesse pour tenter de diagnostiquer voire de prédire les retards de croissance intra-utérin le plus précocement possible. » A terme, l’idée est de traiter ces altérations de la croissance. « A ce jour, aucun traitement n’existe, explique le Dr Gorincour. Mais avoir des diagnostics de plus en plus tôt et de plus en plus précis permettra de développer des traitements qui pourront relancer la vascularisation d’un placenta défaillant ».

Commencée début janvier avec l’inclusion des premiers placentas, cette étude durera 3 ans. Au total, c’est une centaine de placentas (50 placentas sains/50 placentas malades) qui vont être analysés. Pour chaque inclusion, le consentement de la maman est bien sûr demandé. Mais à la maternité de la Clinique Bouchard, on observe déjà qu’il y a très peu de refus. « Les futurs parents sont souvent ravis d’aider la Recherche et de participer aux avancées médicales », conclut Joana de Jesus Neves.

Ce travail de thèse s’opère dans le cadre d’une bourse CIFRE de l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie, et constitue un partenariat original entre un laboratoire de recherche universitaire (URP-7328, FETUS, Université Paris Cité) auquel le Dr Gorincour et Joana de Jesus Neves sont affiliés, et une structure privée (Clinique Bouchard – Elsan), au profit de l’amélioration des connaissances et de la prise en charge des fœtus et des femmes enceintes. 

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