Sommes-nous « prêts pour la prochaine crise » ? Telle est la question posée par un rapport de l’OCDE sorti le 27 février, avec plusieurs pistes de réponse esquissées. Le message central est le suivant : la pandémie de Covid-19 a été « une tragédie » à l’échelle planétaire, non seulement dans ses conséquences sanitaires mais aussi économiques et sociétales, et dans un monde fragilisé, confronté à de multiples menaces potentielles, le renforcement de la résilience de nos systèmes de santé est une obligation absolue.
« La pénurie de soignants constitue l’une des plus grandes menaces » pour cette résilience, nous dit le rapport, estimant à « trois millions » l’augmentation nécessaire de professionnels de santé et de soins dans les pays de l’OCDE. Cet investissement pour recruter et fidéliser permettrait de mieux faire face aux chocs futurs.
Autre levier capital, la promotion de la collecte et de l’utilisation des données, tant pour surveiller les périls émergents, que pour faire les bons choix politiques et mieux utiliser les ressources disponibles. Sans ces données, « les décideurs fonctionnent à l’aveuglette ».
Le rapport pointe aussi la nécessité d’optimiser la santé publique, car des populations vulnérables engendrent des systèmes de santé vulnérables quand une crise survient. La prévention, l’attention systématique accordée à la santé mentale, la lutte contre les inégalités sociales de santé, augmentent nos résistances et développent nos capabilités individuelles et collectives.
Enfin, il convient de « promouvoir la gouvernance et la confiance », afin que l’ensemble de la société soit impliqué dans la réponse aux grandes crises. La mésinformation, la défiance, l’absence de transparence, diminuent la pertinence de la réponse des acteurs et leur motivation à agir, et nous en faisons régulièrement le constat désolé.
Oui, il faut investir dans les personnels, la santé publique, les infrastructures de données, les technologies nécessaires pour faire face aux épreuves futures. Il faut également dépasser les cloisonnements et les corporatismes qui gaspillent une énergie inutile, énergie qui devrait être mise au service des vrais questionnements stratégiques : que va-t-on faire des développements inouïs de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Comment attirer et recruter dans le domaine de la santé, et de quels types de compétences allons-nous avoir le plus besoin ? Comment se mettre en ordre de marche pour affronter la crise sanitaire de demain, la question étant davantage de savoir « quand » elle adviendra que « si » ? Sommes-nous prêts à accueillir la demande de soin des générations du baby-boom ? « One Health » sera-t-il davantage dans nos politiques publiques, qu’un simple concept destiné à soulager les consciences ?
Le décalage est parfois étourdissant entre les défis qui nous attendent et les débats qui agitent les microcosmes. La question n’est d’ailleurs pas seulement de savoir si nous sommes « prêts pour la prochaine crise », mais de savoir si collectivement, nous sommes prêts, tout court, à être à la hauteur des besoins de santé et au rendez-vous de l’innovation et de la solidarité.
Lamine Gharbi