Olivier Véran, le porte-parole du Gouvernement, disait récemment que la crise sanitaire aura permis à notre société d’acquérir une certaine culture de la santé publique. C’est sans doute vrai pour partie, tant le séisme de la pandémie a marqué durablement les esprits. Mais le relâchement notable de la vaccination, du port du masque et des gestes-barrières à l’automne dernier démontre la nécessité d’une véritable stratégie de prévention et de santé publique, et non pas de mobilisations sporadiques (donc forcément à contretemps, avec des tensions inévitables induites sur le système de santé) quand les circonstances l’exigent.
Pour y parvenir, il faut d’abord fixer un cap clair : mobiliser toute la société autour de grandes priorités de santé publique, en nombre limité, avec un portage politique au plus haut niveau, une complémentarité des acteurs publics et privés, une contractualisation sur le terrain autour d’objectifs partagés, un financement pluriannuel clair et facilement mobilisable, et des messages positifs qui donnent enfin aux citoyens l’envie d’agir. Aujourd’hui, les bonnes volontés sont légion, les initiatives pour « soigner autrement » nombreuses et prometteuses, et pourtant le constat est très déceptif : cet élan n’étant pas valorisé, pas plus en termes de reconnaissance effective qu’en termes de moyens alloués, il s’émiette, à rebours de la dynamique souhaitable.
Les établissements de santé, déjà très engagés en prévention dite « secondaire », ont un rôle majeur à jouer dans la prévention primaire. Des millions de patients, et leurs proches, y viennent chaque année. Le crédit de confiance dont ils bénéficient qualifient d’emblée les messages de prévention qui peuvent y être délivrés. Ils marquent de leur empreinte tout un territoire, avec lequel ils sont en interaction. Ils combinent ainsi proximité et légitimité.
Des actions remarquables en matière de prévention primaire constituent déjà la réalité au quotidien des hôpitaux et cliniques privés : prévention de la fragilisation du lien entre parents et enfants dans les maternités, interventions dans les collèges ou les lycées sur les conduites addictives, ou en entreprises sur la santé mentale, détection des fragilités potentielles, prévention primaire à destination des soignants eux-mêmes… Autant de démarches menées avec conviction, avec passion, et évaluées en matière de service rendu, mais qui faute de considération suffisante et de rémunération pérenne, ne tiennent que sur l’engagement, au lieu d’être embarquées dans une alliance collective en faveur de la prévention.
Lamine Gharbi