Les réalités spécifiques aux établissements de santé ultramarins sont trop souvent oubliées par les politiques publiques. Lors d’un récent déplacement à la Réunion, je suis allé à la rencontre des cliniques privées qui jouent un rôle essentiel dans l’offre de soins pour les Réunionnaises et les Réunionnais : plus d’un tiers de l’activité de médecine, chirurgie et obstétrique, 85% des soins médicaux et de réadaptation et 45% de l’activité de psychiatrie. Elles emploient 3500 professionnels de santé et prennent en charge 100 000 patients par an. En résumé, l’hospitalisation privée est indispensable au système de santé de cette Région.
Les enjeux et les défis y sont multiples : défis démographique et épidémiologique, enjeux de santé publique et de prévention, difficultés économiques et sociales, avec 36% de la population vivant sous le seuil de pauvreté… Jusque 50% des patients accueillis dans nos cliniques à la Réunion relèvent de la Complémentaire Santé Solidaire.
Dans un tel contexte, et malgré des équipes pleinement mobilisées, de projets solides et d’une offre de soins structurante, les établissements de santé privés ont à faire face à de multiples obstacles. A commencer par la nouvelle tarification du SMR et de la psychiatrie qui ne prend pas en compte les spécificités ultramarines, entrainant des baisses de recettes de 10 à 20 %, indépendamment de la performance réelle des établissements. Il n’est donc pas surprenant que des structures de référence subissent des déficits structurels de plusieurs millions en dépit d’une activité soutenue.
Alors que le coût de la vie et les surcoûts d’exploitation pèsent lourdement sur les équilibres économiques, le coefficient géographique est mal appliqué, car il ne concerne que la part activité et non les compartiments dotations. Quant aux écarts de rémunération entre professionnels de santé des secteurs public et privé, ils peuvent atteindre jusqu’à 40 % à La Réunion – soit 800 euros pour un infirmier. Une telle situation empêche toute politique salariale dynamique dans le privé et fragilise la continuité des soins pour les populations concernées.
Tous ces constats sont valables pour l’ensemble des territoires ultramarins. Les politiques publiques doivent donc réviser d’urgence les modalités de financement dans les DROM, avec une réelle prise en compte des surcoûts d’insularité ; appliquer le coefficient géographique à tous les compartiments de financement ; et traiter avec équité le secteur privé dans la répartition des dotations.
Beaucoup reste à faire pour la santé des populations en outre-Mer. Plutôt que de transposer des solutions forcément inadaptées, il faudrait changer de perspective et regarder comment l’outre-Mer, précisément en raison de ses spécificités, pourrait être inspirant dans les initiatives que les établissements de santé déploient, pour nos enjeux métropolitains. Et cesser de privilégier une approche par le statut pour valoriser les missions accomplies par toutes et tous.
Lamine Gharbi
