15 mars 2024
Édito de Lamine Gharbi (Président de la FHP) – Crise d’efficacité
Le Président de la République s’est livré hier à un exercice périlleux d’équilibriste devant plusieurs centaines de cadres de l’Etat, issus de tous les pans de la fonction publique : donner un coup de chapeau lorsque les politiques sont efficaces, dans un contexte de crises multiples ; tout en déplorant des promesses de simplification et de déconcentration non tenues.

Le Président de la République s’est livré hier à un exercice périlleux d’équilibriste devant plusieurs centaines de cadres de l’Etat, issus de tous les pans de la fonction publique : donner un coup de chapeau lorsque les politiques sont efficaces, dans un contexte de crises multiples ; tout en déplorant des promesses de simplification et de déconcentration non tenues. Difficile en effet « d’inverser la pyramide » (expression employée à trois reprises), et ce n’est pas dans le domaine de la santé que l’on peut prétendre le contraire : si la crise sanitaire avait permis des modes de fonctionnement dépouillés de leurs scories technocratiques, et avait su trouver la bonne maille d’action sur le terrain, la parenthèse s’est rapidement refermée.

La volonté est là, mais la réalité est rude : si notre pays est en crise, c’est avant tout une crise d’efficacité. Cette crise d’efficacité est plurifactorielle, mais elle procède avant tout d’une absence de cap clair, qui donne du sens à l’action. Là encore, la santé est emblématique de ce flou artistique. La nouvelle Stratégie Nationale de Santé n’est toujours pas publiée. Les grands enjeux de santé publique restent nébuleux. L’approche comptable prévaut, et aucune vision de long terme des ressources, dans une optique de service rendu au patient, n’est proposée. La confiance envers les acteurs de terrain demeure largement un vœu pieu, et Ubu règne toujours sur de nombreuses réformes. Quant aux réformes qui pourraient fonctionner, elles ne font pas toujours l’objet d’une pédagogie suffisante, susceptibles de les rendre tangibles auprès de nos concitoyens. Pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, il faut d’urgence « regagner en intelligibilité » et « faire confiance a priori ».

Dans un tel contexte, alourdi par des contraintes budgétaires drastiques, chacun essaie de se débrouiller comme il le peut, et les postures défensives comme les corporatismes s’accroissent. L’absence de cap favorise le chacun pour soi, et conduit à des décisions en décalage parfois total avec les réalités concrètes que vivent au quotidien les acteurs de santé, dont les établissements, et avec les besoins réels des patients. Le sens de la mission se perd dans les méandres de la complexité et les dédales des injonctions contradictoires voire comminatoires : confronté à tout cela, et pour paraphraser un célèbre film, « chacun cherche sa solution » au lieu de trouver LA solution et de servir l’intérêt collectif.

Cap clair donc, vision de long terme, implication et coopération, « liberté du terrain » et capacité à déroger (qui reste encore une vue de l’esprit aujourd’hui), « culture du service rendu », et « culture du résultat » : c’est sur ce socle de principes qu’on peut embarquer et responsabiliser. En santé, quand on finance davantage le non-soin que les acteurs de santé qui se mobilisent pour soigner, on est clairement aux antipodes d’une culture du résultat au bénéfice des patients.

Le Président de la République a conclu ainsi son long discours : « il y a des tas d’endroits où les gens ont envie de coopérer, où ça va marcher beaucoup mieux ainsi et où vous allez démultiplier votre énergie parce qu’on sortira d’une forme de défiance qui a été collectivement celle du réflexe naturel de l’État : je sais mieux que vous ». L’hospitalisation privée porte cette conviction de longue date, mais la « lucidité » évoquée par le Chef de l’Etat nous conduit à dire que nous en sommes encore loin.

                                                                                                                         Lamine Gharbi

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