Lors de ma rencontre avec le ministre jeudi dernier, j’ai tenu à rappeler que la reconnaissance du rôle de tous est le postulat de base de toute réussite collective au service des patients. J’en veux pour preuve les graves événements survenus aux urgences psychiatriques du CHU de Toulouse : une polémique sans objet sur le rôle du privé en a découlé, alors même qu’une clinique soumettait depuis cinq ans son projet de conversion de lits pour faire des soins sans consentement ! Elle vient d’obtenir gain de cause, mais il est regrettable que la considération la plus élémentaire envers les demandes du secteur privé ne soit accordée que lorsque la situation devient ingérable…
La politique « à la petite semaine » est clairement la plus mauvaise en matière de santé, qui appelle de l’anticipation, de la confiance construite sur du temps long, de la visibilité. Ce que je viens de dire pour l’offre de soins, pour la reconnaissance pérenne de tous qui évite de chercher un bouc-émissaire quand les difficultés surviennent, est tout à fait applicable aux arbitrages financiers.
Tout le monde sait combien la situation économique est tendue pour les établissements de santé. D’année en année, les déficits de financement se sont cumulés, et nous avons même dépassé, le niveau d’alerte puisque le secteur privé, comme les autres secteurs, est à présent largement déficitaire. Une fois de plus, l’Ondam 2024 est insincère dans sa construction, et ne fera que produire une accentuation des difficultés. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, ou plutôt, des effets de plus en plus délétères.
Aujourd’hui, faute d’anticipation et de trajectoire – la stratégie nationale de santé 2023-2033 n’a toujours pas été publiée ! – les financements ne sont pas utilisés comme leviers de transformation de l’offre de soin et d’amélioration de la santé des populations, mais comme des colmatages, toujours moins efficaces, afin d’éviter la panne totale du système.
Dans un tel contexte, disons d’abord que la campagne tarifaire 2024 va être déterminante pour maintenir la viabilité de l’offre de soin : dans un communiqué de presse en date du 1er mars, la Fédération hospitalière publique nous rejoint sur la demande d’une augmentation de 10 points de tarif. Au-delà, nos approches convergent également sur la nécessité d’en finir avec les rustines et sur le défaut de visibilité sur les ressources, avec notre plaidoyer commun pour une loi de programmation en santé.
Les financements ne peuvent se résumer à un plan annuel d’économies : ils doivent s’inscrire dans la durée au regard des objectifs à atteindre à cinq ans. Les acteurs de santé, là aussi, ont des propositions très concrètes à faire : écoutons-les avant de tailler arbitrairement dans les dépenses de santé, sans vision ni ambition.
Lamine Gharbi