Ils sont 78% de Françaises et de Français à se déclarer « inquiets pour l’avenir du système de santé ». C’est ce qui ressort d’une enquête d’opinion publiée début mai pour Le Point. Ce pessimisme sur le futur n’est pas réservé à la santé, mais il procède d’un sentiment plus général : celui d’un délitement du « service au public ». D’ailleurs, ce sont les jeunes qui portent le regard le plus sombre sur la soutenabilité du système : seuls 15% des 18-24 ans disent avoir confiance en l’avenir de la santé, contre 41% des plus de 75 ans.
En revanche, 57% des Français disent avoir confiance dans leur système de santé, et 73% des Français s’estiment bien soignés. C’est la force du message délivré implicitement par les citoyens : nous avons de la chance, disent-ils, car nous avons des acteurs de santé qui prodiguent le plus souvent des soins de qualité. Nous voulons donc que ces acteurs soient préservés, protégés, soutenus, par des politiques publiques à la hauteur de l’enjeu.
Lorsqu’on creuse un peu, on s’aperçoit que les franges les plus « contestataires » de l’opinion sont aussi celles qui s’estiment les moins bien soignées : n’y voir qu’une posture idéologique serait trop réducteur. Ce sont sur les territoires les plus éloignés de l’accès aux soins, que le sentiment de « dépossession » et de « récession » est le plus grand (lequel sentiment, d’ailleurs, entache aussi la réforme des retraites) : « on nous prend ou on nous prive – de nos acquis, de nos soignants, de nos éléments de fierté sur nos territoires – mais que nous donne-t-on ? ».
Nous, qui sommes par vocation des « offreurs de soins », des acteurs qui concilient proximité et qualité, nous avons un rôle majeur à jouer grâce à notre maillage des territoires et à notre capacité à trouver des solutions innovantes en matière d’accès aux soins. Grâce à la coopération de tous les acteurs au service du parcours du patient, nous pouvons contribuer à combattre ce sentiment de relégation, à repousser la fatalité d’une dégradation du système.
L’actualité – la deuxième plénière du Conseil National de la Refondation en Santé mercredi dernier, certaine proposition de loi à venir… – semble esquisser un cap destiné faire travailler tout le monde ensemble sur les territoires. Mais l’impulsion politique doit être plus forte, et surtout, largement plus inclusive.
Le ministre de la santé a terminé son discours de clôture du volet santé du CNR en citant Churchill : « Il ne sert à rien de dire, nous avons fait de notre mieux, il faut faire ce qui est nécessaire ». Très bien, faisons vraiment ce qui est nécessaire : à des Français inquiets et désabusés, montrons des politiques publiques volontaristes, qui réunissent tous les acteurs, qu’ils soient publics et privés, les patients, les élus, autour des missions de santé à leur service.
Lamine Gharbi