L’annonce des arbitrages gouvernementaux sur la campagne tarifaire a constitué un bel exercice de communication. Hélas, elle ne passe pas l’épreuve des faits et de la démonstration, et c’est sans doute dans le domaine social que le décalage entre engagement et réalité est le plus criant.
J’ai parlé bien souvent dans cette lettre, de notre accord salarial majoritaire, et de l’ambition que nous avions autour d’une politique sociale volontariste pour les 170 000 professionnels de santé de notre secteur : cette ambition appelait un financement de l’Etat à la hauteur des enjeux et des besoins, en sus de la contribution substantielle des établissements eux-mêmes, portant 53% du coût total. L’équation était ainsi clairement posée. Aujourd’hui, le ministère nous annonce un montant de 80M€, notoirement insuffisant pour financer l’accord dit « avenant 33 », et susceptible de surcroit d’être requestionné en 2026, créant une insécurité dans un contexte d’instabilité politique. Cette annonce plonge les femmes et les hommes de l’hospitalisation privée dans l’incompréhension.
Dans un secteur exclusivement régulé par l’État, il est bon de rappeler que les professionnels de santé du privé sont rémunérés en moyenne 16 % de moins que leurs homologues du public, et même 18% de moins pour les infirmier.e.s et 31% pour les aides-soignant.e.s. L’enveloppe proposée, qui rend impossible la mise en œuvre d’un accord salarial pourtant tant attendu, fait fi de l’urgence sociale.
Les éléments de langage gouvernementaux ne passent pas non plus le crash-test de la réalité de la situation des établissements de santé et de leurs difficultés économiques. Derrière la « hausse » tarifaire évoquée, aucune ressource nouvelle, mais le poids persistant et écrasant d’une inflation non compensée (un milliard sur ces trois dernières années), mettant les établissements de santé privés dans le rouge dans une proportion sans précédent : 45% sont en déficit en 2025, contre 29% en 2022.
Autre illustration, plus technique mais très révélatrice, l’application de la suppression du coefficient qui vise à neutraliser l’impact des allégements fiscaux et sociaux (CICE) : pourtant dûment promise, elle est tronquée de façon injustifiable pour l’année 2025, amputant nos ressources de 43M€. Et je ne peux ici, faute de place, évoquer les multiples expressions d’iniquité de traitement entre public et privé – je pense par exemple à l’aide aux établissements en difficulté, sans aucun fondement de mission et de service rendu.
Vous connaissez ce fameux slogan publicitaire : « un service qui ne rend pas service n’est pas un service ». De même pourrait-on dire : un soutien en affichage qui ne trouve aucune résonance concrète dans le fonctionnement économique et social d’une profession, n’est pas un soutien. L’équité, la vraie, ne peut pas être un argument de communication mais doit se traduire en actes concrets pour les établissements, les professionnels et les patients. Les options prises doivent donc être drastiquement revues dans l’intérêt de tous, et en premier lieu pour satisfaire aux conditions de mise en œuvre de l’accord salarial attendu par les professionnels et qui est aujourd’hui dans une complète impasse.
Lamine Gharbi