Il y a plus de trois ans, les Fédérations hospitalières signaient avec la ministre de l’époque, Agnès Buzyn, un Protocole de pluriannualité, assorti d’engagements respectifs. Au-delà de son contenu, ce Protocole inaugurait aussi une manière renouvelée d’envisager les relations entre les acteurs et la puissance publique : moins descendante, moins impérative, fondée sur la confiance entre des acteurs responsables. En clair, le contrat, plutôt que la contrainte.
Rapidement ensuite, est arrivée la déferlante Covid. Passée la sidération, il a bien fallu rompre avec les cadres et les habitudes, pour faire face à l’urgence… et miser sur l’intelligence collective des acteurs de santé. Moins de carcans, moins de rigidités administratives, mais de la facilitation, de la fluidité, de la confiance a priori. Et ça a fonctionné.
Les « Ségur de la Santé » ont par la suite porté des mesures de revalorisation des professionnels. Significatives, certes – nous l’avions dit à l’époque, mais qui n’ont pas résolu leur malaise profond, autour d’une aspiration à davantage de reconnaissance : là encore, moins de complexités technocratiques, du sens redonné aux missions, de l’écoute et de la considération. Bref, trouver les bons leviers pour susciter l’envie d’agir.
Je le dis souvent : confiance et reconnaissance sont les meilleurs atouts pour vaincre les corporatismes et activer les solidarités. Sinon, chacun campe sur sa conviction – plus ou moins fondée – d’être le bouc-émissaire du système, et se replie sur ses bases. Quand je demande pour l’hospitalisation privée un traitement équitable avec le public, je vise certes à obtenir une légitime considération des missions accomplies. Mais cela va au-delà : j’ai la conviction que c’est la bonne voie pour réussir la transformation de notre système de santé au service des patients.
Cet après-midi, le sénateur Alain Milon a d’ailleurs porté cette voix, en posant à la ministre Agnès Firmin-le Bodo une Question au Gouvernement sur les majorations de certaines indemnités horaires (nuit, heures supplémentaires…) au profit du seul secteur public, alors que l’engagement des professionnels de tous statuts est aussi remarquable et digne de tous les éloges.
Miser sur l’égale prise en compte de tous, sur l’esprit de responsabilité et sur la latitude d’initiative : telle doit être la ligne mélodique des débats sur la proposition de loi du député Valletoux, pour qui « la réforme du système de santé passe par la confiance dans les acteurs de terrain pour trouver des solutions locales au sein des territoires de santé ». La philosophie initiale du texte doit être préservée, et non dévoyée par des velléités de contrainte des acteurs, à rebours des enseignements de la crise sanitaire, et qui aboutissent à des résultats inverses de ceux escomptés.
Lamine Gharbi