Le financement de l’innovation en santé est un sujet majeur, en premier lieu pour les patients, et bien sûr pour les acteurs de santé qui doivent disposer d’une doctrine lisible sur le sujet. Or, les décisions de radiation de la liste en sus effectives depuis le 1er mars, sans intégration dans les tarifs des GHS (groupe homogène de séjour), sont particulièrement préoccupantes.
Le sujet est technique et complexe, mais j’y vois plus largement, des dysfonctionnements emblématiques des griefs que nous formulons régulièrement sur le fonctionnement de notre système de santé. Et quand je dis « nous », ce n’est pas que la FHP, mais l’ensemble des acteurs.
Le premier enjeu est relatif à la visibilité et à la pluriannualité : il ne saurait y avoir de dynamique d’innovation au service des patients sans s’extraire d’une vision court-termiste. Cette fameuse liste en sus, qui permet la prise en compte de pratiques innovantes, doit faire l’objet d’une gestion pluriannuelle, qui soutienne une politique de santé cohérente. Au-delà, c’est toute la gouvernance de la santé en France qui devrait, enfin, intégrer le temps long et donner de vraies marges de manœuvre pour innover.
Le deuxième enjeu est relatif à la relation de confiance entre les acteurs et la puissance publique. Les changements de méthode intempestifs, les décisions rendues sans concertation ni évaluation, portent un lourd préjudice tant aux patients qu’aux pratiques organisationnelles des établissements. Il faut renouer avec la confiance, sur des décision lourdes d’impact pour les patients comme pour les pratiques organisationnelles des établissements. Au-delà du fond, il y a, encore et toujours, le sujet de la méthode, des simulations d’impact, de l’évaluation : c’est cela qui forge l’adhésion aux réformes.
Le troisième enjeu, enfin, c’est de parvenir à changer de paradigme, de sortir des décisions mues par la seule approche comptable, à courte vue, sans fondement médical ou de service rendu au patient. Cela nécessite un cap politique clair – cette doctrine lisible que j’évoquais – en faveur du soutien à l’innovation, avec les dispositifs de financement correspondants. Il s’agit d’un enjeu systémique majeur de santé publique : soutenir l’innovation, c’est favoriser des prises en charge plus ciblées, plus pertinentes, source d’efficience et de qualité pour l’ensemble de notre système de santé.
Lamine Gharbi