L’accélération des événements engendrée par la dissolution a contraint les différentes formations politiques à sortir du chapeau, plus rapidement que prévu, des éléments programmatiques. Ainsi voit-on apparaitre des propositions « santé » passablement improvisées ou hasardeuses, procédant plus de réflexes quasi « pavloviens » que d’une réflexion concertée avec les professionnels du secteur.
Parmi ces réflexes pavloviens, assez courants des côtés les plus extrêmes de l’échiquier politique, il y a la stratégie du bouc-émissaire et le principe de la défiance a priori. Supprimer les Agences Régionales de Santé, démanteler l’Aide Médicale d’Etat d’un côté ; être convaincu que l’on résoudra l’accès aux soins par la contrainte des professionnels, et déconsidérer les acteurs privés, de l’autre.
Détruire, plutôt que construire ; stigmatiser, plutôt que valoriser : deux ressorts sans doute plus faciles pour construire une argumentation idéologique dans l’urgence, plutôt qu’un programme solide témoignant d’une compréhension des réalités des acteurs de terrain, et d’une volonté réelle de transformer notre système de santé au service des patients.
J’ai déjà exprimé dans un éditorial précédent notre position fédérale sur l’AME. Elle n’est pas seulement fondée sur des valeurs, encore qu’il n’y aurait rien de répréhensible à cela, même si ce n’est plus très à la mode… Elle est fondée également sur des enjeux de santé publique.
Je voudrais parler aujourd’hui des Agences Régionales de Santé, que d’aucuns voudraient rayer du paysage au nom d’une prétendue « bureaucratie » (pour la remplacer par une autre, cela dit en passant). Or il y a les envolées verbeuses et il y a la réalité : pendant la crise sanitaire notamment, des coopérations inédites entre acteurs publics et privés ont été tissées sous l’égide d’ARS qui, malgré les difficultés, ont su faire émerger de l’intelligence collective. Qu’apportera à la santé des citoyens leur suppression ? Rien. Nous y sommes donc formellement opposés.
Bien sûr, il est nécessaire de renforcer les délégations territoriales des ARS pour une plus grande proximité ; et de faire évoluer en continu leurs missions, parce que les défis sont immenses et évolutifs. En particulier, la FHP propose depuis longtemps de les délester de leur rôle de gestionnaires de l’hôpital public, pour les conforter dans celui de régulatrices équitables de toute l’offre de soin. Ce serait une évolution bénéfique pour répondre aux besoins des populations.
Par ailleurs, entre « soutenir l’hôpital public » d’un côté, et « organiser une conférence de sauvetage de l’hôpital public » de l’autre, il a apparemment échappé à certains que le secteur privé représentait 35% de l’activité hospitalière de notre pays, et que la pleine reconnaissance du rôle de chacun – public, privé associatif, privé – était un préalable au service du meilleur accès aux soins.
Poser pour le secteur de la santé une véritable loi de programmation pluriannuelle autour de priorités stratégiques sera le meilleur moyen d’éviter une lecture trop comptable de la santé. Augmenter le nombre des professionnels de santé formés, mieux reconnaitre leurs compétences et favoriser les passerelles entre les métiers sera toujours préférable aux mesures coercitives. Enfin, faire émerger un véritable service public de santé pleinement inclusif, fondé sur les missions et non sur les statuts, sera ô combien plus gagnant pour les patients que l’ostracisme et la démagogie.
Lamine Gharbi