Nous sommes le 20 mars, et à cette date, les établissements de santé de tous statuts n’ont toujours pas la moindre idée de la manière dont ils vont être financés pour soigner en 2024. Rappelons que l’annonce des tarifs hospitaliers est censée intervenir au 1er mars de chaque année.
Ce retard est anxiogène pour plus d’une raison : un contexte très difficile lié à l’inflation ; l’absence de réelles discussions, franches et transparentes, avec le ministère de la Santé sur la campagne tarifaire ; et enfin, un bruit de fond assourdissant de Bercy qui n’a pas l’intention d’épargner un secteur de la santé pourtant déjà exsangue. Le tout, couronné d’un manque criant de vision prospective des priorités de santé.
Ce manque de vision conduit à appliquer, encore et toujours, une logique comptable de court terme – sur les molécules onéreuses, sur les affections longue durée, sur le financement des établissements de santé… -, en apesanteur des enjeux de santé publique et de l’intérêt des patients. Or cette équation est toujours perdante à terme, y compris sur le plan des finances publiques. Comme le disait Grillparzer : « Dire n’importe quoi, penser n’importe comment, cela procure toujours des satisfactions immédiates. A terme, il faut supporter l’insupportable ».
Cette citation s’applique mot pour mot à la situation actuelle. Sinon, comment expliquer la logique qui, dans les arbitrages, pénalise les acteurs les plus dynamiques, ceux par exemple qui se sont efforcés de rattraper les soins après les retards engendrés par la crise sanitaire ? Le secteur privé a permis 400 000 prises en charge supplémentaires de patients, entre 2022 et 2023, en post-Covid. Soigner plus, pour être moins considéré, ne saurait devenir une nouvelle règle de gestion, sauf à désespérer encore davantage les acteurs de santé. Cela nous rappelle les débats sur la Qualité : si on veut l’excellence, il faut la valoriser.
Dans ses déclarations du 17 janvier, le Président de la République a dit qu’il fallait pour la santé « de l’investissement » et « un cap ». Nous ne pouvons plus attendre que cet investissement et ce cap deviennent des réalités enfin tangibles pour tous, établissements, professionnels, patients. Un sursaut collectif s’impose, qui passe par une campagne tarifaire ambitieuse dans ses moyens, et juste dans son traitement entre le public et le privé.
Il ne peut y avoir de contraintes budgétaires aveugles, en l’absence de réformes structurelles. La santé est un sujet trop sérieux pour se concevoir dans l’improvisation et la loi du rabot, sauf à voir jouer plus rapidement que l’on ne le croit, « anatomie d’une chute » de notre système de santé.
Lamine Gharbi