Révolution technologique ou cap anthropologique ? La France a en tout cas été, l’espace de quelques jours, le centre du monde sur l’intelligence artificielle, en affichant sur le sujet un puissant volontarisme. Le secteur de la santé sera sans doute l’un des plus impactés par les innovations en cours de développement, tant les capacités d’analyse et d’apprentissage de l’IA offrent de perspectives pour améliorer les diagnostics, les traitements et les parcours de soins. Les concepts même de « qualité », de « pertinence » et de « prévention » pour le patient seront à revisiter à l’aune de ces gigantesques potentiels, porteurs d’espoir sur tous les champs de la santé, des maladies chroniques à la santé mentale.
Favoriser une meilleure prise en charge des patients, mais aussi « rendre du temps aux soignants » : c’est ce qu’a dit le ministre de la Santé avant-hier, qui a la volonté de former chaque année 100 000 professionnels de santé à l’intelligence artificielle. Pour redonner de l’attractivité aux métiers du soin, encore faut-il que les jeunes générations puissent se projeter dans ceux-ci et donc en maitriser les mutations. Avec un impératif : que l’IA soit, pour reprendre les mots de la philosophe Cynthia Fleury, « au service du contrat social et sanitaire », car « plus la technique prend de l’importance, plus il sera essentiel d’identifier ce qui fait la spécificité de l’acte humain et d’inventer une nouvelle façon de faire soin ». Nous ne devons jamais perdre cela de vue dans nos établissements de santé.
Devant la multiplicité des solutions technologiques et l’extension du champ des possibles, nous ne devons être ni subjugués, ni dépassés : plus que jamais, les choix politiques seront cruciaux. Joseph Stieglitz, prix Nobel d’économie, dit que ce qui ravage le monde, c’est l’accumulation des mauvais choix. La France et l’Europe ont donc un rôle majeur à jouer pour faire les bons choix, avec quelques fondamentaux pour nos politiques publiques : accompagnement ambitieux de l’innovation, gouvernance clarifiée et unifiée de la donnée, évaluation, vision prospective et espace de débat démocratique pour installer un cadre de confiance et d’éthique.
L’IA Summit s’est conclu par une déclaration commune de 60 pays posant précisément ce cadre de confiance, pour une intelligence artificielle « ouverte », « inclusive » et « éthique ». Ces trois termes s’appliquent aussi parfaitement aux établissements de santé, qui doivent être ouverts sur la cité, inclusifs de tous, et guidés par une éthique du soin.
Lamine Gharbi