12 avril 2023
Édito de Lamine Gharbi (Président de la FHP) – Adapter les règles à la réalité des territoires
Un décret publié le 8 avril pérennise et généralise le droit de dérogation aux normes accordé aux directrices et directeurs généraux des Agences Régionales de Santé, dans un registre de domaines beaucoup plus étendu qu’auparavant.

Ce droit donné aux DGARS devra respecter un certain nombre de prérequis, tels que la justification d’un « motif d’intérêt général » et l’existence de circonstances locales. Il devra aussi avoir pour effet « d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques et notamment aux financements accordés » par l’ARS.

Donner aux ARS « beaucoup plus de marges de manœuvre pour adapter les règles à la réalité des territoires », telle est la volonté affichée par le Gouvernement. En déplacement dans l’Aveyron, la Première ministre Elisabeth Borne a ainsi affirmé : « Les règles nationales ne doivent pas être un obstacle aux solutions locales portées par les acteurs ».

Simplification des procédures, émergence de dispositifs pragmatiques permettant de répondre finement aux besoins de santé des populations, construction par tous les acteurs d’un territoire des initiatives les plus adaptées : l’hospitalisation privée porte depuis toujours ces nécessités, qui peinent à prendre corps.

Pourtant, la crise sanitaire avait été inspirante. Le rapport de l’IGAS dédié au retour d’expériences du pilotage de la réponse à l’épidémie de Covid de novembre 2020 vient d’être rendu public. Il souligne à quel point les « marges d’autonomie » laissées aux acteurs sur les territoires ont été utiles, et propices à de « nombreuses innovations organisationnelles » : au premier rang d’entre elles, la coopération public-privé, « facteur déterminant pour surmonter la crise ».

Ce décret est donc bienvenu s’il permet de substituer à des logiques descendantes, à un cadre défini a priori, des règles du jeu mieux incarnées. Je pense par exemple aux difficultés de recrutement auxquelles les établissements de santé sont confrontés, pour les pharmaciens des pharmacies à usage intérieur, qui doivent être titulaires d’un DES (diplôme d’études spécialisées) : un allègement pragmatique des contraintes profiterait à tous. Nous verrons à l’usage. Mais il est clair que si, sur un enjeu donné, les dérogations se multiplient, il faudra en tirer les enseignements quant à la règle nationale initiale, et son inadéquation manifeste par rapport aux réalités et aux attentes des acteurs.

Il pourrait être un levier de transformation du système, si les principes qui le sous-tendent cultivent le souci de l’équité de traitement entre les acteurs de tous statuts, et le discernement sur ce qui contribue à servir pleinement l’intérêt général. Surtout, souhaitons que la volonté de simplification et de lisibilité y trouve une réelle concrétisation, avant tout pour les patientes et les patients dont c’est l’une des préoccupations majeures.

Lamine Gharbi

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